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DE GUSTAVE FLAUBERT.

Paris commence à m’écœurer fortement. Quand je l’habite depuis plusieurs mois, il me semble que tout mon être s’en va par mille pertuis et se répand au niveau du trottoir. Ma personnalité s’envole, comme fêlée par le contact des autres, je me sens devenir cruche, et puis l’idée seule de l’Exposition me fatigue. J’y ai été deux fois. La vue générale du haut du Trocadéro est vraiment splendide. Cela fait rêver à des Babylones de l’avenir. Quant aux détails, ce qui m’a le plus amusé, c’est une basse-cour japonaise. Il faudrait trois mois à quatre heures par jour pour connaître tout ce qu’il y a dans ces grandes assises de la civilisation. Le temps me manque, faisons notre métier.

Je suis convié au centenaire de Voltaire ; mais je n’irai pas, car j’en suis à économiser les heures. Cette histoire du centenaire est bien comique. Avez-vous vu l’alliance des grandes dames et des poissardes ? Les ennemis de Voltaire sont destinés à être toujours ridicules ; c’est une grâce de plus donnée par Dieu à ce grand homme. De celui-là on peut dire qu’il est immortel. Dès qu’on a besoin de lui, on le retrouve tout entier. Bref, MM. les cléricaux et MM. les monarchistes perdent complètement la boule.

Avez-vous admiré Sardou trouvant que Thiers était un génie grec, un esprit attique ? (ce qui est vrai dans le monde dont Sardou est l’Aristophane).

À propos de théâtre, je n’ai été de tout mon hiver qu’une seule fois au spectacle, et c’était au Palais-Royal, à la première de Bouton de Rose. L’œuvre est pitoyable, ce dont ne se doute pas