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DE GUSTAVE FLAUBERT.

c’est qu’il ne donne dans aucun poncif, et je le crois humain.

Ma nièce dessine et peint à s’en rendre malade. Dans deux ou trois ans, elle aura un vrai talent ; mais je ne veux pas qu’elle expose, préférant la voir débuter par une œuvre sérieuse.

Le Père Didon m’a donné de vos nouvelles il y a quelque temps. Je commençais à trouver l’absence de lettres un peu longue. Je me réjouis à l’idée de vous voir cet été, mais il ne faut pas venir au mois de juin, puisque je partirai d’ici à la fin de mai. Qui vous empêche d’avancer votre voyage d’une quinzaine, au moins ? Voyons, faites ça ! Soyez gentille ! Paris vous épouvante, je le comprends. La vue des lieux où l’on a souffert ravive la plaie. Pendant plusieurs années je me suis détourné de la rue de l’Est, tant je m’étais embêté atrocement dans cette rue-là. Au fond je ne regrette nullement ma jeunesse (et vous ?), ce qui ne signifie pas que je ne voudrais point rajeunir.

Eh bien ! et la mort du Pape[1] ! Voilà un événement qui produit peu d’effet ! L’Église n’est plus où on la mettait autrefois, et le Pape n’est plus le Saint-Père. C’est un petit nombre de laïques qui forme maintenant l’Église. L’Académie des Sciences, voilà le concile, et la disparition d’un homme comme Claude-Bernard est plus grave que celle d’un vieux Seigneur comme Pie IX. La foule sentait cela parfaitement à ses obsèques (celles de Claude-Bernard). J’en faisais partie. C’était religieux et très beau.

  1. Pie IX.