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DE GUSTAVE FLAUBERT.

géologiques et archéologiques. Demain soir j’irai donc coucher à Alençon, puis je rayonnerai tout à l’entour jusqu’à Caen. Ah ! quel bouquin ! C’est lui qui m’épuise d’avance, je me sens accablé par les difficultés de cette œuvre, pour laquelle j’ai déjà lu et résumé 294 volumes ! Et rien n’est encore fait.

Quand je serai revenu de la Basse-Normandie, la semaine prochaine, je ferai mon paquet pour « les Champs de l’Helvétie » ou plutôt pour les monts d’icelle. Je ne vais pas à Saint-Moritz et je ne prendrai aucune eau. Je vais respirer un air pur sur le Rigi, rien de plus. On suppose que la pression barométrique, y étant moins forte, me décongestionnera en faisant refluer le sang vers les organes inférieurs. Voilà la théorie. Ce qu’il y a de sûr, c’est que j’ai besoin de repos.

Je vous recommande Haeckel, De la création naturelle. Ce livre est plein de faits et d’idées. C’est une des lectures les plus substantielles que je sache.

Mon opinion sur Schopenhauer est absolument la vôtre. Et dire qu’il suffit de mal écrire pour avoir la réputation d’un homme sérieux !

Je vous aime d’aimer Lucrèce. Quel homme, hein ? N’est-ce pas qu’il ressemble parfois à lord Byron ? M. de Sacy, membre de l’Académie française, m’a déclaré qu’il n’avait jamais lu Lucrèce (sic) ni Pétrone. « Mon Dieu, oui, cher monsieur, je m’en tiens à Virgile. » ô France ! Bien que ce soit notre pays, c’est un triste pays, avouons-le ! Je me sens submergé par le flot de bêtise qui le couvre, par l’inondation de crétinisme sous laquelle peu à peu il disparaît. Et