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APPENDICE.

il les eût lui-même fournis. Nous sommes tous assez riches pour tenir à notre parole.

L’excès de votre inquiétude manque peut-être de politesse.

Troisième objection. — « Bouilhet n’est pas né à Rouen ! »

Cependant le rapport de M. Decorde l’appelle « un des nôtres » ! et, après la Conjuration d’Amboise, l’ancien Maire de Rouen, M. Verdrel, dans un banquet qui fut offert à Bouilhet, lui adressa les plus flatteuses comparaisons en l’appelant une des gloires de Rouen. Pendant quelques années, ce fut même une des scies de la petite presse parisienne que de se moquer de l’enthousiasme des Rouennais pour Bouilhet. Le Charivari publia une caricature où Hélène Peyron recevait les hommages des Rouennais lui apportant du sucre de pomme et des cheminots ; dans une autre, moi indigne, j’étais représenté conduisant « le char des Rouennais. »

N’importe ! d’après vous, Messieurs, il s’ensuivrait que si un homme éminent est né dans un village de trente cabanes, il faudrait lui élever un monument dans ce village, plutôt que dans le chef-lieu de son département ?

Pourquoi pas dans le faubourg, dans la rue, dans la maison, dans la chambre même où il est né ?

Et si l’on ne connaît pas l’endroit de sa naissance (l’histoire là-dessus n’est pas toujours décisive), que ferez-vous ? Rien, n’est-ce pas ?

Quatrième objection. — « Son mérite littéraire ! »

Et, à ce propos, je trouve dans le compte-rendu de bien grosses paroles. — « Question de convenance et question de principes. » — Il y aurait danger. « Ce serait une glorification excessive, une haute distinction, un hommage prématuré, un hommage suprême, » et « qui ne doit s’accorder qu’avec une extrême réserve ; » enfin, « Rouen est un piédestal trop grand pour sa gloire ! »

En effet, on n’a pas décerné pareil triomphe :

1o À l’excellent M. Pottier, « qui a rendu à la Bibliothèque de la ville des services bien plus signalés. » (Sans doute ! comme s’il s’agissait de votre Bibliothèque !) — Ni 2o à Hyacinthe Langlois ! Celui-là, Messieurs, je l’ai connu, et mieux que vous tous. Ne relevez pas cette mémoire ! Ne parlez jamais de ce noble artiste ! Sa vie a été une honte pour ses concitoyens.

Maintenant, il est vrai, vous l’appelez « une grande illustration normande ; » et, distribuant la gloire d’une manière toute fantaisiste, vous citez « parmi les illustrations dont peut s’honorer notre ville » (elle le peut, mais elle ne le fait pas toujours) P. Corneille (Corneille, une illustration ? décidément vous êtes sévère !) ; puis,