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DE GUSTAVE FLAUBERT.

gênées. Il faut que les amies soient libres. Et puis j’aime mieux aller te voir quand tu n’auras personne. Alors tu seras tout à moi.

Je pars d’ici samedi matin. Aujourd’hui je reçois. J’attends à dîner Laporte, Lapierre et Fortin. Ta tante Achille a pris en journée Alphonse, le vieux bonhomme de Canteleu, si bien qu’Émile a fait venir de Rouen un de ses amis pour servir à table. Ne trouves-tu pas superbe d’aller à Canteleu chercher des gens de journées ? Quel singulier besoin d’imitation ! Il y a là un point psychologique très drôle et très profond. À propos de serviteurs, je suis très content du jardinier ; lui et sa femme ont l’air de bonnes gens.

Voilà quinze jours que je n’arrête pas de lire de la médecine. Ce qui redouble mon mépris pour les médecins ! Encore quatre ou cinq mois et je saurai quelque chose.

J’ai vu quelqu’un que la peur de la misère tourmente plus que moi : c’est le petit Baudry. Son frère n’avait pas exagéré en me disant que cette manie-là tournait à la démence. Il cherche Raoul-Duval pour lui vendre ses collections, afin de se faire de l’argent ! Ses collections ! Il m’a parlé de la lettre que tu lui as écrite de Luchon avec des larmes d’attendrissement.

Comme je pense à toi et comme je te regrette quand je me promène solitairement dans le jardin !

Ta vieille Nounou.