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DE GUSTAVE FLAUBERT.

Les élégances de toute sorte y seront impossibles ! Il faudra se confiner chez soi et ne plus rien voir.

Beaucoup de personnes « ne prennent pas ça » comme moi, et je suis un des plus affectés. Pourquoi ?

La grande bataille que j’attendais la semaine dernière, sur les bords de la Loire, n’a pas eu lieu. C’est un bien pour nous ; les Prussiens semblent maintenant remonter vers le Nord, revenir sur Paris. D’autre part, ils menacent Amiens ; mais Bourbaki va venir de Lille. En finirons-nous avec ce système de petites défenses locales ? Nos armées ne sont pas prêtes. En attendant, Paris résiste et les use. Je ne vois pas ce que les Prussiens y font de bon pour eux. Ils n’ont guère avancé depuis cinq semaines.

Ce matin, les journaux parlent d’une intervention diplomatique. Il paraîtrait (mais je n’y crois guère) que l’Angleterre prendrait l’initiative. Le voyage de Thiers en Russie a-t-il servi à quelque chose ?

Moi, je ne compte que sur Paris et sur Bazaine surtout. Paris pris, il n’est pas sûr que les Prussiens en sortent. La bataille dans les rues peut être formidable.

J’admire ton énergie de pouvoir apprendre l’allemand. Tu fais bien de t’occuper. Moi, je ne le peux plus. J’ai l’oreille tendue aux roulements de tambours. Le soir je vais mieux, mais l’après-midi je m’ennuie démesurément. C’est mon oisiveté forcée qui me ronge. Pour se livrer à des travaux d’imagination, il faut avoir l’imagination libre. C’est la première condition. J’ai reçu ce