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DE GUSTAVE FLAUBERT.

vue de l’Horloger dont j’ai joui ce matin.

Je m’aperçois que cet imbécile-là occupe une place dans mon existence ; car il est certain que je suis joyeux quand je l’aperçois. Ô puissance de la Bêtise !

Je pense qu’Ernest a envoyé quelque argent à Duplan, le marchand d’étoffes.

Embrasse ta grand’mère pour moi.

Deux bécots sur tes bonnes joues.

Ton vieil oncle.

1115. À GEORGE SAND.
Croisset, mercredi 3 août 1870.

Comment ! chère maître, vous aussi démoralisée, triste ? Que vont devenir les faibles alors ?

Moi, j’ai le cœur serré d’une façon qui m’étonne, et je roule dans une mélancolie sans fond, malgré le travail, malgré le bon Saint Antoine qui devait me distraire. Est-ce la suite de mes chagrins réitérés ? C’est possible. Mais la guerre y est pour beaucoup. Il me semble que nous entrons dans le noir.

Voilà donc l’homme naturel ! Faites des théories maintenant ! Vantez le progrès, les lumières et le bon sens des masses, et la douceur du peuple français. Je vous assure qu’ici on se ferait assommer si on s’avisait de prêcher la paix. Quoi qu’il advienne, nous sommes reculés pour longtemps.

Les guerres de races vont peut-être recommencer. On verra, avant un siècle, plusieurs