Page:Flaubert Édition Conard Correspondance 6.djvu/140

Cette page a été validée par deux contributeurs.
134
CORRESPONDANCE

qu’il fait maintenant ! La lune brille à travers le tulipier ; les bateaux qui passent font des ombres noires sur la Seine endormie, les arbres se mirent dans son eau, un bruit d’avirons coupe le silence à temps égaux : c’est d’une douceur sans pareille ; il serait temps de se coucher, néanmoins.

Ah ! pauvre loulou, tu ne trouves pas les bourgeois qui t’entourent ruisselants de poésie ? Je crois bien ! Plus tu iras et plus tu seras convaincue qu’on ne peut causer qu’avec très peu de monde. Le nombre des imbéciles me paraît, à moi, augmenter de jour en jour. Presque tous les gens qu’on connaît sont intolérables de lourdeur et d’ignorance. On va et revient du mastoc au futile.

Et cette santé, pauvre chat ? Tu ne vas pas, j’espère, commencer une troisième saison de bains.

Allons, adieu. Je t’embrasse bien fort.

Ton vieil oncle.

1113. À GEORGE SAND.
Croisset, mercredi soir [20 juillet 1870].

Que devenez-vous, chère maître, vous et les vôtres ?

Moi, je suis écœuré, navré par la bêtise de mes compatriotes. L’irrémédiable barbarie de l’humanité m’emplit d’une tristesse noire. Cet enthousiasme, qui n’a pour mobile aucune idée, me donne envie de crever pour ne plus le voir.