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DE GUSTAVE FLAUBERT.

inquiéter de ta chère personne. Nous ne savons pas quand tu dois revenir, car tes lettres sont contradictoires : ton avant-dernière lettre annonçait un prolongement de séjour là-bas ; celle d’Ernest, votre retour vers le milieu de ce mois, et la tienne d’aujourd’hui nous laisse encore dans l’incertitude. Qu’y a-t-il donc ? Je t’assure, ma chérie, que ton épître du 2 juillet était d’un ton amer.

Notre vie, à ta grand’mère et à moi, est bien monotone ! D’Osmoy me fait droguer depuis huit jours : enfin, hier au soir, il m’a annoncé, par un télégramme, son arrivée pour ce soir. Viendra-t-il ? J’en doute encore. Dès qu’il sera parti je me mettrai à écrire Saint Antoine. Mais je ne suis pas en train ; le cœur n’y est pas ; l’enthousiasme, ou tout au moins l’espèce de gaieté qu’il me faut me manque.

Potinez-vous bien avec les M*** ? Sans doute qu’ils déchirent les dames B*** et L*** ? Fais mes amitiés à Ernest Chevalier. Tâche de ne pas, t’ennuyer trop et de croire, mon loulou, que je prends intérêt à tes infirmités ; mais il faudrait d’abord que je les connusse. Peut-on supposer qu’une personne de si belle apparence, qu’une jeune femme « qui a un port de reine » (oh ! tu l’as) soit affectée de la moindre tare ?

Il me tarde bien de te revoir et de te bécoter !

Es-tu bien sûre que les eaux ne te fassent pas plus de mal que de bien ?

Si Ernest est obligé de te quitter avant la fin de ta cure et qu’il ne puisse aller te reprendre, je te répète, mon loulou, que je suis à tes ordres ; seulement j’aimerais à être prévenu d’avance.