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DE GUSTAVE FLAUBERT.

Problème psychologique : pourquoi suis-je très gai depuis la visite de Michel Lévy ? Mon pauvre Bouilhet me disait souvent : « Il n’y a pas d’homme plus moral ni qui aime l’immoralité plus que toi : une sottise te réjouit. » Il y a du vrai là dedans. Est-ce un effet de mon orgueil ? ou par une certaine perversité ?

Bonsoir, après tout ! Ce ne sont pas ces choses-là qui m’émeuvent. Je me contente de répéter avec Athalie :

Dieu des Juifs, tu l’emportes !

Et je n’y pense plus.

Je vous prie même de ne plus en parler à Lévy quand vous lui écrirez ou le verrez. Il aura de moi la préface du volume de vers de Bouilhet. Quant au reste, j’entends désormais être parfaitement libre.

N-I ni, c’est fini !

J’ai revu le docteur Favre hier chez Dumas. « Estrange bonhomme ! » J’aurais besoin d’un dictionnaire pour le comprendre.

Vous n’avez pas l’idée du degré de bêtise où le plébiscite[1] plonge les Parisiens ! C’est à en crever d’ennui. Aussi je m’esbigne.

Avez-vous lu les deux volumes de Taine ?

Je connaissais l’Éthique de Spinoza, mais pas du tout le Tractatus theologico-politicus, lequel m’épate, m’éblouit, me transporte d’admiration. N… de D…, quel homme ! quel cerveau ! quelle science et quel esprit ! Il était plus fort que M. Caro, décidément.

  1. Plébiscite pour l’approbation de la costitution du 20 avril 1870.