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CORRESPONDANCE

Kartadda, et si, au lieu de dire que les esclaves au moulin portaient des muselières, j’avais écrit des pausicapes ! Quant aux noms de parfums et de pierreries, j’ai bien été obligé de prendre les noms qui sont dans Théophraste, Pline et Athénée. Pour les plantes, j’ai employé les noms latins, les mots reçus, au lieu des mots arabes ou phéniciens. Ainsi j’ai dit Lawsonia au lieu de Henneh, et même j’ai eu la complaisance d’écrire Lausonia par un u, ce qui est une faute, et de ne pas ajouter inermis qui eût été plus précis. De même pour Kok’heul que j’écris antimoine, en vous épargnant sulfure, ingrat ! Mais je ne peux pas, par respect pour le lecteur français, écrire Hannibal et Hamilcar sans h, puisqu’il y a un esprit rude sur l’alpha, et m’en tenir à Rollin ! Un peu de douceur !

Quant au temple de Tanit, je suis sûr de l’avoir reconstruit tel qu’il était, avec le traité de la Déesse de Syrie, avec les médailles du duc de Luynes, avec ce qu’on sait du temple de Jérusalem, avec un passage de saint Jérôme, cité par Selden (de Diis Syriis), avec le plan du temple de Gozzo qui est bien carthaginois, et mieux que tout cela, avec les ruines du temple de Thugga que j’ai vu moi-même, de mes yeux, et dont aucun voyageur ni antiquaire, que je sache, n’a parlé. N’importe, direz-vous, c’est drôle ! Soit ! Quant à la description en elle-même, au point de vue littéraire, je la trouve, moi, très compréhensible, et le drame n’en est pas embarrassé, car Spendius et Mathô restent au premier plan, on ne les perd pas de vue. Il n’y a point dans mon livre une description isolée, gratuite ; toutes servent