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CORRESPONDANCE

Mme Bovary est agitée par des passions multiples ; Salammbô, au contraire, demeure clouée par l’idée fixe. C’est une maniaque, une espèce de sainte Thérèse. N’importe ! Je ne suis pas sûr de sa réalité ; car ni moi, ni vous, ni personne, aucun ancien et aucun moderne, ne peut connaître la femme orientale, par la raison qu’il est impossible de la fréquenter.

Vous m’accusez de manquer de logique et vous me demandez : Pourquoi les Carthaginois ont-ils massacré les Barbares ? La raison en est bien simple : ils haïssent les Mercenaires ; ceux-là leur tombent sous la main, ils sont les plus forts et ils les tuent. Mais « la nouvelle, dites-vous, pouvait arriver d’un moment à l’autre au camp ». Par quel moyen ? Et qui donc l’eût apportée ? Les Carthaginois ? Mais dans quel but ? Des barbares ? Mais il n’en restait plus dans la ville ! Des étrangers ? Des indifférents ? Mais j’ai eu soin de montrer que les communications n’existaient pas entre Carthage et l’armée !

Pour ce qui est d’Hannon (le lait de chienne, soit dit en passant, n’est point une plaisanterie ! Il était et est encore un remède contre la lèpre : voyez le Dictionnaire des sciences médicales, article Lèpre, mauvais article d’ailleurs et dont j’ai rectifié les données d’après mes propres observations faites à Damas et en Nubie), Hannon, dis-je, s’échappe parce que les Mercenaires le laissent volontairement s’échapper. Ils ne sont pas encore déchaînés contre lui. L’indignation leur vient ensuite avec la réflexion ; car il leur faut beaucoup de temps avant de comprendre toute la perfidie des Anciens. (Voyez le commencement de mon