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DE GUSTAVE FLAUBERT.

ne trouverait pas vingt hommes pour se ranger sous une bannière, le mot d’ordre manque à tous les partis ; donc immobilité complète d’ici à longtemps peut-être.

Tu as su l’immense succès[1] du jeune Augier ? Et on a surtout admiré les vers ! C’est à rendre fou ! Le sieur Rolland (ce poète qui s’habille en breton et trouve Corneille « pas fort » ) a remporté une veste insigne, au Vaudeville[2] ; son œuvre fourmille de jolies phrases dont tu pourras orner l’album de la Vicomtesse. Je ne vois guère, comme infections, autre chose à te narrer.

Quant à ton vieux géant, il a commencé aujourd’hui le premier chapitre de sa troisième partie, mais j’ai bien du mal à emboîter mes personnages dans les événements politiques de 48. J’ai peur que les fonds ne dévorent les premiers plans ; c’est là le défaut du genre historique. Les personnages de l’histoire sont plus intéressants que ceux de la fiction, surtout quand ceux-là ont des passions modérées ; on s’intéresse moins à Frédéric qu’à Lamartine. Et puis, quoi choisir parmi les faits réels ? Je suis perplexe ; c’est dur !

Quant aux renseignements à recueillir, ça me demande un temps terrible. Je fais des courses, j’écris des lettres, j’envoie et renvoie mon mameluck dans les maisons, etc. ; j’ai passé une semaine entière à me trimbaler à l’hôpital Sainte-Eugénie, pour étudier des moutards atteints de croup. Bref,

  1. Paul Forestier.
  2. Amédée Rolland, romancier et auteur de nombreuses pièces, comédies et drames. Il mourut en 1868, quelques mois après la représentation de sa dernière œuvre, Nos Ancêtres, drame en cinq actes et six tableaux.