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DE GUSTAVE FLAUBERT.

Un mot sublime : « Vous avez donc encore des économies ? »

Ce que j’ai dit du comique intentionnel ne s’applique pas aux pages 304-305, car, là, Gaskell est très sérieux ; il est comique pour les autres, mais non pour lui-même.

Comme Barberine est gentille, et comme le Saint-Bertrand s’enfonce, se dégrade ! L’un monte, l’autre descend. Ça progresse, ça se développe, on est collé sur le livre. XXIX, charmant, charmant.

J’aime ta Californie, avec ses trottoirs de bois, ses boues et ses ballots. Mais tout disparaît devant l’idée de Cerveiro. Je lisais cela hier sur mon lit ; j’ai bondi comme une anguille, en rugissant comme un taureau. Et non seulement l’idée est sublime, mais elle est admirablement exécutée. On voit la pauvre Barberine à la toucher. Je trouve ce passage-là à la hauteur de n’importe quoi.

La pendaison de Saint-Bertrand m’a rappelé celle de je ne sais plus qui dans la Prairie de Cooper ; mais il n’y a nul plagiat, sois tranquille.

Enfin l’œuvre finit sur une petite note sentimentale qui console et émeut. Car tu as fait (je ne sais si tu l’ignores) un livre consolant. On y « respire » partout l’amour du Bien et on voit comment les jeunes gens tournent mal quand ils n’ont pas de principes. Je ne blâme nullement la chose dans un livre d’imagination ; tu as eu d’ailleurs l’art de ne montrer que des faits probables ; on est emporté par le torrent de ta narration.

Telles sont, mon vieux, les impressions que j’ai ressenties. Je t’écris à la hâte ; excuse les bévues du critique.