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CORRESPONDANCE

romanesque, avec une ingéniosité remarquable ; il a l’air non seulement probable, mais vrai. Ton livre est sympathique, tu es un malin.

Ignorant les développements de la fable, j’avais trouvé le commencement un peu long, à une première lecture ; mais il a les proportions convenables.

Trouves-tu que la peinture du bal soit suffisante ? Cela me semble un peu maigre, pittoresquement parlant. Mais s’il en eût été autrement, tu aurais alangui ton action, car ton œuvre est avant tout dramatique. Il y a là une bonne silhouette, celle du marquis, avec ses favoris poudrés, et qui répète : « Sommes-nous assez moyen âge et Robert le Diable ? ». Ce qui m’a le plus frappé dans le duel est ceci : « Vous n’avez donc pas de parents ? — Non ! — Pas de maîtresse ? — Non ! — Pas d’amis ? ».

Cela jette une lueur atroce sur la solitude intime de Saint-Bertrand et me semble plus terrible que le coup de pistolet. Le profil de Rogatchef, de ce lâche qui devient impudent, est fin.

J’aime La Gruelle (p. 169-170), mais je n’en dirai pas autant de Cocodès, qui me semble le gandin poncif, le jeune homme du monde dont on se moque dans tous les livres. Cet endroit me semble lâché : « un… abbé… savant comme Ducange !!! » Où as-tu vu des abbés savants comme Ducange ? Cela t’est venu au bout de la plume, sans y songer, et tu l’as lâché sans te rappeler que, plus loin, ledit abbé se grise avec son élève. Les gens savants comme Ducange ne se grisent pas. Tu vois que je t’épluche et que je te suis pas à pas. Tout ce chapitre xv, d’ailleurs, me semble plus