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DE GUSTAVE FLAUBERT.

rivière, les poissons sautaient avec des folâtreries incroyables, comme des bourgeois invités à prendre un thé à la Préfecture.

Je suis moult aise de te savoir un peu remonté sur ton drame. Voici je crois ce qu’il faut faire : 1o Aller d’abord chez Blanche[1]. 2o Lui dire : vous voyez que je ne suis pas un entêté ; j’ai corrigé dans vos données, suivi vos avis, vous m’aviez dit telle et telle chose (inventes-en si tu ne te les rappelles pas) que j’ai tenues en considération, etc. 3o Il faut avoir pour examinateur Laugier et en même temps faire marcher Sandeau. Au reste, si Blanche est bon enfant (et il le sera), fais ce qu’il te conseille… Tâche d’avoir une lecture quand même. Je persiste dans cette opinion : on ne doit se présenter à l’Odéon que si tout est raté définitivement aux Français. Mais il est bon d’aller vite en besogne, pour que l’insuccès, s’il y en a un, ne s’ébruite pas et ne te nuise pas auprès du comité de l’Odéon. Aie plusieurs manuscrits, s’il le faut, trémousse-toi ! copie-les plutôt toi-même !

La Porte-Saint-Martin vaudrait peut-être mieux que l’Odéon, mais nous n’en sommes pas là. Occupe-toi des Français comme si c’était la seule porte possible.

Je vais bien lentement. Je me donne un mal de chien. Il m’arrive de supprimer, au bout de cinq ou six pages, des phrases qui m’ont demandé des journées entières. Il m’est impossible de voir l’effet d’aucune avant qu’elle ne soit finie, para-

  1. Ami de Flaubert qui lui avait recommandé Bouilhet pour faire accepter Madame de Montarcy au Théâtre Français. Il était secrétaire général du Ministère d’État.