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CORRESPONDANCE

Guérard[1]. Combien peu vous étudierez les monuments ! quelles minces notes vous prendrez ! comme Chéruel serait indigné ! et même Du Camp. Ce sera un voyage œnophile, tout à fait Chapelle et Bachaumont, on ne peut plus dix-septième siècle et dans les traditions. Un financier voyageant dans la société d’un poète et tous deux se soûlant conjointement, à la gauloise, dans les cabarets de la route. Je te recommande, à Poissy, chez le sieur Fient, aubergiste, une cuisine où il y a, peint sur la porte, un gastronome s’empiffrant. Cela réjouit le voyageur.

Il est maintenant trois heures trois quarts du matin. J’ai passé la nuit à la Bovary et je m’en vais réveiller ma mère qui part à cinq heures pour Trouville, où elle doit rester cinq à six jours. Je serai seul tout ce temps-là et j’essaierai d’en profiter pour accélérer l’ouvrage. Il faut que j’avance quand même, car je suis las de ma lenteur. Voilà cependant deux jours que je recommence un peu à travailler.

J’ai lu onze chapitres du roman de Champfleury. Cela me rassure de plus en plus ; la conception et le ton sont fort différents. Personne autre que toi ou moi ne fera, je crois, le rapprochement. La seule chose pareille dans les deux livres, c’est le milieu, et encore !

Je t’annonce, afin que tu te mettes en mesure, la visite du jeune Baudry. Il est venu me voir hier et m’a déclaré son intention d’aller passer les fêtes chez toi, ce qui ne serait point fête pour toi. À ta place, je lui répondrais tout net que je ne puis le

  1. Alfred Guérard, financier, ami de Bouilhet.