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DE GUSTAVE FLAUBERT.

garçon, je n’en sais rien ; mais je lui ai vu faire une chose (insignifiante en soi, d’accord) qui m’a semblé, dans l’ordre artistique, être ce que la sueur des pieds est au physique. Cela puait et les trilles, gammes et octaves qui dominaient sa voix faisaient comme les mailles de cette sale chaussette harmonique, par où s’écoulait béatement ce flux de vanité nauséabonde. Et la pauvre poésie au milieu de tout cela ! Mais il y avait des dames ! Ne fallait-il pas être aimable ? L’esprit de société, saperlotte !!!

Tu me dis de bien belles choses sur la Sylphide et son activité. Le remuement que certaines gens se donnent vous occasionne le vertige, n’est-ce pas ? Voilà à quoi se passe la vie, à un tas d’actions imbéciles qui font hausser les épaules au voisin.

Rien n’est sérieux en ce bas monde, que le rire !

Penses-tu à la tribouillée qu’il va falloir que Bouilhet administre à cette pauvre Léonie ? Elle l’attend comme la manne. Pourvu qu’elle ne lui dise pas — comme Cymodocée à Eudore : « Ah ! les femmes de Rome t’ont trop aimé » — […]

Adieu, pauvre chère Muse ; rétablis-toi donc ! je t’embrasse.

Ton monstre.

Je relis de l’histoire grecque pour le cours que je fais à ma nièce. Hier le combat des Thermopyles, dans Hérodote, m’a transporté comme à douze ans, ce qui prouve la candeur de mon âme, quoi qu’on en dise.