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DE GUSTAVE FLAUBERT.

Mais causons de toi et, à propos de médecine, je ne comprends rien à tes maux. Qu’as-tu, en définitive ? Qui est-ce qui te soigne, et te soignes-tu ? Si c’est un des deux êtres que j’ai vus chez toi, Valerand ou Alibert, je te plains. Ces messieurs m’ont l’air de franches buses. Tu as beau être athée en médecine, je t’assure qu’elle peut faire beaucoup de mal. On vous tue parfaitement, si on ne vous guérit pas. Je t’avais toujours conseillé d’aller consulter pour tes palpitations quelqu’un. Tu persistes à n’en rien faire et à souffrir. C’est très beau au point de vue du sec, mais moins beau au point de vue du raisonnable.

J’ai reçu la lettre où tu me disais que de Vigny t’avait lue (et assez mal) à l’académie. Ainsi rassure-toi, elle n’a pas été perdue. Ça m’a l’air d’un excellent homme, ce bon de Vigny. C’est du reste une des rares honnêtes plumes de l’époque : grand éloge ! Je lui suis reconnaissant de l’enthousiasme que j’ai eu autrefois en lisant Chatterton. (Le sujet y était pour beaucoup. N’importe.) Dans Stello et dans Cinq-Mars il y a aussi de jolies pages. Enfin c’est un talent plaisant et distingué, et puis il était de la bonne époque, il avait la Foi ! Il traduisait du Shakespeare, engueulait le bourgeois, faisait de l’historique. On a eu beau se moquer de tous ces gens-là, ils domineront pour longtemps encore tout ce qui les suivra. Et tous finissent par être académiciens, ô ironie ! Le dédain pour la Poésie que l’on a en ce lieu, et dont il te parlait, m’a remis en tête aujourd’hui que voilà de ces choses qu’il faut expliquer, et ce sera moi qui les expliquerai. Le besoin se fait sentir de deux livres moraux, un sur la littérature et un autre sur la sociabilité. J’ai