Page:Flaubert Édition Conard Correspondance 4.djvu/49

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
43
DE GUSTAVE FLAUBERT.

lecture de Melaenis dans la Revue ne m’a pas fait changer d’opinion sur une seule virgule. C’est une œuvre, les Fossiles ; mais combien y a-t-il de gens, en France, capables de la comprendre ? Triste ! triste ! Eh non, pourtant, car c’est là ce qui nous console au fond. Et puis qui sait ? Chaque voix trouve son écho ! Je pense souvent avec attendrissement aux êtres inconnus, à naître, étrangers, etc., qui s’émeuvent ou s’émouvront des mêmes choses que moi. Un livre, cela vous crée une famille éternelle dans l’humanité. Tous ceux qui vivront de votre pensée, ce sont comme des enfants attablés à votre foyer. Aussi quelle reconnaissance j’ai, moi, pour ces pauvres vieux braves dont on se bourre à si large gueule, qu’il semble que l’on a connus, et auxquels on rêve comme à des amis morts !

Il m’est impossible de retrouver cette bande de journal où il y avait, je crois, un discours de Ribeyrolles. Elle est perdue probablement. Mon domestique (un nouveau qui est plus bête que ses bottes) dit qu’il ne sait pas s’il ne l’a pas jetée par hasard dans le seau aux eaux sales et de là aux lieux. Ô démocratie, où serais-tu allée ? Ce papier était probablement tombé de mon lit sur le tapis, et il l’aura chassé avec les ordures. Curieux symbolisme ; mais ça m’embête.

L’autre au moins, qui nous volait comme dans une forêt de Bondy, ne m’a jamais fait de ces bêtises ; tant il est vrai qu’on n’est bien servi que par des canailles ! Ce brave garçon s’est déjà fait chasser de chez trois bourgeois un peu plus regardants (c’est le mot) que nous, à ce qu’il paraît, et l’un d’eux a même trouvé dans sa chambre