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DE GUSTAVE FLAUBERT.

3o Mon roman carthaginois m’a entraîné et m’entraîne encore dans tant de divagations et de recherches (j’ai bien avalé depuis le 1er février une cinquantaine de volumes) que je ne sais souvent où donner de la tête. Voilà cinq mois que je suis sur le même chapitre. Il s’agit de reconstruire ou plutôt d’inventer tout le commerce antique de l’orient. 4o Je suis depuis trois semaines dérangé par un mariage. C’est la fille de mon frère qui prend époux le 17 du mois prochain, je retourne à Rouen à cette époque. 5o Comme, à Rouen, je ne puis me procurer les livres dont j’ai besoin et que je ne peux emporter ceux des bibliothèques publiques, il faut que je me hâte de finir toutes ces lectures avant mon départ. Voilà mes raisons. Mais croyez bien que je pense à vous souvent, très souvent. J’ai la plus grande sympathie pour votre esprit et pour votre cœur. Ne craignez pas de m’envoyer de vos lettres. Elles me plaisent et me touchent ; elles m’agréent et m’attendrissent.

Je n’ai été cet hiver que deux fois au spectacle, deux fois pour entendre Mme Viardot dans Orphée. C’est une des plus grandes choses que je connaisse. Depuis longtemps je n’avais eu pareil enthousiasme. Quant au reste, à ce qu’on appelle des nouveautés et qui sont souvent des vieilleries, ça ne vaut pas la peine d’être nommé. Je suis, du reste, peu au courant. Tout ce qui n’est pas art phénicien, depuis longtemps m’est indifférent, et plus j’éprouve dans mon travail de difficultés, plus je m’y attache. On n’aime que les choses et les gens qui vous font souffrir. Et puis, pour tolérer l’existence, ne faut-il pas avoir une marotte ?

Que vous dirai-je de vous et quel conseil vous