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CORRESPONDANCE

et 2o Une histoire de soldat, roman dont je suis le principal personnage. Tu n’imagines pas ce que c’est comme canaillerie. Mais quel piètre coco que le sieur Musset ! Ce livre (Lui), fait pour le réhabiliter, le démode encore plus que Elle et Lui !

Quant à moi j’en ressors blanc comme neige, mais comme un homme insensible, avare, en somme un sombre imbécile. Voilà ce que c’est que d’avoir coïté avec des Muses ! J’ai ri à m’en rompre les côtes. Si le Figaro savait ce que je possède dans mes cartons, il m’offrirait des sommes exorbitantes ! C’est triste à penser.

Quelle drôle de chose que de mettre ainsi la littérature au service de ses passions, et quelles tristes œuvres cela fait faire, sous tous les rapports !

J’ai savouré le Cuvillier-Fleury[1]. L’article ne manque pas de mauvaise foi ; mais je trouve qu’il est simplement bête. Il ne t’éreinte pas assez. Peut-être le Cuvillier t’admire-t-il, au fond ? Je te plains, alors !

Est-ce que notre ami Turgan tourne au catholicisme ? Il m’a envoyé un article de lui, très orthodoxe. Dans ce même numéro de la Revue Européenne, j’ai lu un éreintement de Renan qui m’a indigné[2]. Dans quelle m… nous pataugeons, mon Dieu !

C’est en haine de tout cela, pour fuir toutes les turpitudes qu’on fait, qu’on dit et qu’on pense, que je me réfugie en désespéré dans les choses

  1. Journal des Débats, 29 octobre 1859, sur Daniel.
  2. Revue européenne du 15 octobre : article de Turgan sur Le Sanctuaire catholique de Bétharam, et de L. Benloew, sur M. Renan et son rôle dans la science contemporaine.