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CORRESPONDANCE

théâtral, tandis que c’est un personnage concentré et rêveur.

L’auteur insiste trop sur l’esprit du comte et ne le montre pas assez. Il aurait fallu, puisque c’était un monsieur si spirituel, lui faire dire des mots. Mais j’aimerais mieux retrancher un peu de ces phrases où on nous répète : « C’était un esprit fin, railleur, etc. » Il est beaucoup question des railleries de ce vieux drôle ; or, on n’en voit guère.

Il y a, suivant moi, une suspension dans l’intérêt et une baisse de style vers la fin de la deuxième partie. Ça se traîne jusqu’à l’incendie ; après l’incendie, ça rebaisse. Quant à la quatrième partie, c’est vigoureux, superbe, intéressant, émouvant, réussi en un mot.

La partie faible de style, c’est le dialogue, quand il n’est pas important de fond. Tu ignores l’art de mettre dans une conversation les choses nécessaires en relief, en passant lestement sur ce qui les amène. Je trouve cette observation très importante. Un dialogue, dans un livre, ne représente pas plus la vérité vraie (absolue) que tout le reste ; il faut choisir et y mettre des plans successifs, des gradations et des demi-teintes, comme dans une description. Voilà ce qui fait que les belles choses de tes dialogues (et il y en a) sont perdues, ne font pas l’effet qu’elles feront, une fois débarrassées de leur entourage.

Je ne dis pas de retrancher les idées, mais d’adoucir comme ton celles qui sont secondaires. Pour cela, il faut les reculer, c’est-à-dire les rendre plus courtes et les écrire au style indirect.

Voilà donc, quant à la question de forme (qui est aussi une question d’effet et d’amusement), ce