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DE GUSTAVE FLAUBERT.

maine dernière, afin qu’on les porte la semaine qui va suivre, et donnant une règle pour tout le monde ? Sans tenir compte que chacun, pour être bien habillé, doit s’habiller quant à lui ! C’est toujours la même question, celle des Poétiques. Chaque œuvre à faire a sa poétique en soi, qu’il faut trouver.

Je démolirais donc cette idée d’une mode générale. Je m’acharnerais aux chapeaux tuyaux de poêle, aux robes de chambre à palmes, aux bonnets grecs à fleurs. J’effraierais le bourgeois et la bourgeoisie. Il faut faire passer la mode des corsets, lesquels sont une chose hideuse, d’une lubricité révoltante et d’une incommodité excessive, en de certains moments. J’en ai quelquefois bien souffert !!! Oui, j’ai souffert beaucoup de ces riens, dont un homme ne doit pas parler (car cela sort de ce type viril d’après lequel il faut être, sous peine de passer pour un eunuque). Ainsi il y a des ameublements, des costumes, des couleurs d’habits, des profils de chaises, des bordures de rideaux, qui me font vraiment mal. Je n’ai jamais vu, dans un théâtre, les coiffures des femmes dites en toilette sans avoir envie de vomir, à cause de toute la colle de poisson qui plaque leurs bandeaux, etc., et la vue des acteurs, qui ont quand même (même en jouant Guillaume Tell) des gants Jouvin, suffit à me faire détester l’Opéra ! Quels imbéciles ! Et l’expression de la main, que devient-elle avec un gant ? Imaginez donc une statue gantée ! Tout doit parler dans les Formes, et il faut qu’on voie toujours le plus possible d’âme. Comme voilà parlé de chiffons, n’est-ce pas ?

Ah ! c’est que j’ai passé bien des heures de ma