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DE GUSTAVE FLAUBERT.

qu’au point de vue de la critique (mais de la critique seulement) ce serait habile pour la dérouter ; mais, du moment que j’écrirais en pensant à ces drôles, je ne ferais plus rien qui vaille, il me faudrait rentrer dans la peau de saint Antoine, laquelle est plus tatouée et plus profonde que celle de Chollet. Je suis dans Carthage et je vais tâcher, au contraire, de m’y enfoncer le plus possible et de m’ex-halter.

Saint Antoine est d’ailleurs un livre qu’il ne faut pas rater. Je sais maintenant ce qui lui manque, à savoir deux choses : 1o le plan ; 2o la personnalité de saint Antoine. J’y arriverai. Mais il me faut du temps, du temps ! D’ailleurs, m… pour la critique ! Je me f… de on et c’est parce que je m’en suis f… que la Bovary mord un tantinet. Que l’on me confonde tant que l’on voudra avec Barrière et le jeune Dumas[1], cela ne me blesse nullement, pas plus que les prétendues fautes de français relevées par ce bon M. Deschamps. Seulement, je prie Gleyre d’inonder Buloz de traits piquants.

Bouilhet, qui pense trop au public et qui voudrait plaire à tout le monde tout en restant lui, fait si bien qu’il ne fait rien du tout. Il oscille, il flotte, il se ronge. Il m’écrit de sa retraite des lettres désespérées. Tout cela vient de son irrémédiable janfoutrerie. Il ne faut jamais penser au public, pour moi, du moins. Or je sens que si je me mettais à Saint Antoine maintenant, je l’accommoderais selon les besoins de la circonstance, ce qui est un vrai moyen de chute. Réfléchissez à cela, mon bon, et vous verrez que je ne suis pas si

  1. Sainte-Beuve avait rapproché Flaubert de Dumas fils, et Madame Bovary des Faux Bonshommes de Barrière.