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CORRESPONDANCE

Il y a des gens (ceci pour vous donner une idée des bourgeois actuels) qui m’avaient conseillé de l’envoyer à S. M. l’empereur Napoléon III pour en baptiser le prince impérial. Mais je la gardais toujours sans trop savoir pourquoi, sans doute dans le vague pressentiment d’un meilleur usage ; en effet, votre petit-fils me sera plus cher qu’un enfant de roi.

À propos de vieillesse (c’est ce mot de petit-fils qui me l’amène), vous me parlez de vos cheveux[1] ! Je ne puis, moi, vous rien dire des miens, car me voilà bientôt privé de cet appendice. J’ai considérablement vieilli, sans avoir trop rien fait pour cela cependant. Ma vie a été fort plate — et sage — d’actions du moins. Quant au dedans, c’est autre chose ! Je me suis usé sur place, comme les chevaux qu’on dresse à l’écurie ; ce qui leur casse les reins. Système Baucher.

Allons ! adieu. Encore mille vœux pour Maria ! Qu’elle rencontre dans cette union une sympathie solide et inaltérable ! Que sa vie soit pleine de joies calmes et continues, qu’elle en trouve à tous ses pas comme des violettes sous l’herbe et qu’elle les ramasse toutes ! Qu’elle n’en perde aucune ! Qu’il n’y ait autour d’elle que bonnes pensées et bons visages ! Que tout soit bien-être, respect, caresses, amour ! Que le devoir lui soit facile, l’existence légère, l’avenir toujours beau ! Donnez-lui, de ma part, sur la joue droite, un baiser de

  1. On sait que Mme Schlésinger est le prototype de Mme Arnoux de l’Éducation sentimentale. Cette allusion à ses cheveux grisonnants rappelle l’épisode si touchant des cheveux de Mme Arnoux, à la fin du roman, et en est peut-être l’origine. (Note de René Descharmes, édition Santandréa.)