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DE GUSTAVE FLAUBERT.

490. À LOUIS BOUILHET.
Croisset, 15 août [1856].

Tu m’as écrit une sacrée lettre qui ne dénote pas un homme gai, mon pauvre vieux. Que veux-tu que j’y réponde, sinon par deux aphorismes de l’homme dont on célèbre aujourd’hui la fête : 1o les grandes entreprises réussissent rarement du premier coup ; 2o le succès appartient aux apathiques. Pas si apathique, pourtant. Il faut un peu se désembourber soi-même.

Va chez le jeune Du Camp à la fin de cette semaine ; c’est mardi prochain que doit avoir lieu, m’a-t-il dit, le grand combat pour l’insertion de la Bovary. Tu lui diras tout ce que tu jugeras convenable (je me fie à toi), et que je compte être inséré le 1er septembre, suivant sa promesse.

Je lui ai écrit il y a deux ou trois jours pour le prier de ne plus m’appeler Faubert sur la première page de la Revue où sont imprimés les futurs chefs-d’œuvre avec le nom des grands hommes en regard, je n’en ai pas reçu de réponse…

Je travaille comme un bœuf à Saint Antoine. La chaleur m’excite et il y a longtemps que je n’ai été aussi gaillard. Je passe mes après-midi avec les volets fermés, les rideaux tirés, et sans chemise, en costume de charpentier. Je gueule ! je sue ! c’est superbe. Il y a des moments où, décidément, c’est plus que du délire ! Blague à part, je crois toucher le joint, je finirai par rendre la chose potable, à moins que je n’aie complètement la berlue, ce qui est possible…