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CORRESPONDANCE

485. À SA NIÈCE CAROLINE.
Paris, vendredi, 25 avril 1856.
Ma chère Lilinne,

Je te remercie bien de m’avoir écrit une si gentille lettre. L’orthographe est meilleure que dans celles que tu m’envoyais aux précédents voyages, et le style est également bon. À force de t’asseoir dans mon fauteuil, de poser les coudes sur ma table et de te prendre la tête dans les deux mains, tu finiras peut-être par devenir un écrivain.

J’ai une dame chez moi que j’ai rencontrée sur le boulevard et qui loge dans mon cabinet, où elle est couchée mollement sur une planchette de ma bibliothèque. Son costume est fort léger, car il consiste en une feuille de papier qui l’enveloppe du haut en bas. La pauvre jeune fille n’a seulement que sa chevelure, sa chemise, des bas et des souliers. Elle attend mon départ avec impatience, parce qu’elle sait qu’elle trouvera à Croisset des vêtements plus conformes à la pudeur que son sexe exige. Remercie de ma part Mme Robert qui a bien voulu se rappeler de moi. Présente-lui mes respects et conseille-lui un régime fortifiant, car elle me paraît un peu pâle, et je ne suis pas sans inquiétude sur sa santé.

J’ai été hier à l’exposition des tableaux, et j’ai beaucoup pensé à toi, pauvre chérie. Il y a beaucoup de sujets de tableaux que tu aurais reconnus,