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APPENDICE.


« Depuis l’éphèbe aux formes déliées,
« Jusqu’au vieillard que la mort vient courber,
« Qui de nous sait les femmes oubliées
« Que dans nos bras le hasard fit tomber ?

Larmes, dégoûts des caresses vendues,
Voix des douleurs dans le plaisir criant,
Remords, pitiés des âmes éperdues
On vous étouffe en vous multipliant.

L’arbre jauni que le vent découronne
Voit s’effeuiller ses rameaux sans douleur,
Et l’homme aussi vous chasse de son cœur,
Pauvres amours, tristes feuilles d’automne.

III

Elle était pâle et morne un soir d’été,
Les cœurs des femmes ont aussi leurs fantômes ;
Entre l’éther à la molle clarté
Et la campagne aux enivrants arômes,

Elle voyait passer silencieux
Le défilé des images aimées
Marchant vers elle et les yeux sur ses yeux,
Lui rappelant les heures enflammées.

Leurs bras tendus semblaient la ressaisir ;
Ce n’étaient point ces ombres effacées
Que l’homme entasse et confond à plaisir ;
C’étaient des voix, des regards, des pensées.

C’était l’amour ! ce fantôme espéré
Qu’attend la vierge et qui déçoit l’épouse,
Toujours, toujours, sa vision jalouse
A fui son cœur après l’avoir navré.

Mais elle aima : sa douleur véhémente,
Devint pardon ; l’amour s’est transformé ;
Dans sa pitié, qui change en sœur l’amante,
Elle les plaint de n’avoir pas aimé.