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CORRESPONDANCE

fois que tu m’aimasses moins, c’était dans les moments où je t’aimais le plus, quand je te voyais souffrir à cause de moi. Dans ces moments-là, j’aurais voulu être crevé. Tu n’as qu’à demander à Bouilhet si lundi soir, alors que tu me jugeais si irrité contre toi, demande-lui, dis-je, si ce n’était pas plutôt contre moi-même que toute cette irritation se tournait.

Comment se fait-il que depuis huit jours j’aie bien travaillé, quand il me semble que je ne pense pas du tout à mon travail ? J’ai écrit cinq pages. J’aurai définitivement fini les comices à la fin de la semaine prochaine. Si tout continuait à marcher comme cela, j’aurais fini cet été. Mais sans doute que je m’abuse. Pourtant, il me semble que c’est bon. Peut-être est-ce l’envie que j’ai d’avoir fini et de nous rejoindre enfin d’une manière plus continue, qui me chauffe en dessous sans que je m’en doute. À propos de chauffage, cette pauvre mère Roger est-elle définitivement […] ?

Bouilhet s’oublie à Capoue ! et Mme Blanchecotte[1] aussi ! Ah mon Dieu. As-tu réfléchi quelquefois à toute l’importance qu’a le […] dans l’existence parisienne ? Quel commerce de billets, de rendez-vous, de fiacres stationnant au coin des rues, stores baissés ! Le […] est la pierre d’aimant qui dirige toutes les navigations. Il y a de quoi devenir chaste par contraste. Je ne hais pas Vénus, mais quel abus ! J’aime dans ce monde-là deux choses : la chose d’abord, en elle-même, la chair ; puis la passion, violente, haute, rare, la grande corde pour

  1. Poète, collabora à pluieurs revues. En 1851, elle publia Rêves et Réalités, sous le nom de Mme M. B., ouvrière et poète.