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CORRESPONDANCE

je ressente le besoin d’écrire. Je t’irais bien voir tout de suite, mais je suis tellement irrité, irritant, maussade, que ce serait un triste cadeau à te faire que ma visite. Sacré nom de Dieu, comme je rage !

Je veux toujours écrire au Crocodile ; mais, franchement, je n’en ai toujours ni l’énergie, ni l’esprit.

Tu vas avoir un beau jeudi, toi. Je vous envie. Quelle bosse de Servante et de Fossiles !

J’ai grand’hâte que Bouilhet soit revenu, pour qu’il me parle de cette fameuse Servante. Un tel sujet en vers, quand j’y réfléchis, me paraît une grande chose comme difficulté vaincue. Je sais ce que c’est que de mettre en style des sujets communs. Cette scène que je recommence était froide comme glace. Je vais faire du Paul de Kock. On va toujours du guindé au canaille. Pour éviter le commun on tombe dans l’emphase et, d’autre part, la simplicité est si voisine de la platitude !

J’ai relu avant-hier soir Han d’Islande. C’est bien farce ! Mais il y a un grand souffle là dedans et c’est curieux comme esquisse (d’intention de Notre-Dame).

Adieu ; je ne sais que te dire, sinon que je t’embrasse. Tâche de m’envoyer de l’inspiration. C’est une denrée dont j’ai grand besoin pour le quart d’heure. Pensez à moi jeudi. Ma pensée sera avec vous toute la soirée. Quelle pluie !

Le temps n’est pas plus pur que le fond de mon cœur.

Encore adieu ; mille baisers tendres ; à toi, à toi.

Ton G.