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CORRESPONDANCE

J’ai rangé mes affaires avec cette activité de sauvage qui me distingue. Tout, pendant mon absence, avait été brossé, ciré, verni (jusqu’à mes pieds de momie que mon domestique a jugé convenable de badigeonner avec de la gomme). Et j’avoue que j’ai retrouvé mon tapis, mon grand fauteuil et mon divan avec charme. Ma lampe brûle, mes plumes sont là. Ainsi recommence une autre série de jours pareils aux autres jours. Ainsi vont recommencer les mêmes mélancolies et les mêmes enthousiasmes isolés.

Je me suis précipité sur les deux numéros de la Revue. Rien de Bouilhet dans aucun. Je crois que ses prévisions étaient justes et qu’il y a brouille, ou du moins grand refroidissement. Rien sur la Paysanne. J’en étais sûr. Ç’aura dû être pour l’article de Jourdan comme ç’a été pour celui de Melaenis. Quant à ce qu’on dit de Leconte, c’est tellement insignifiant, en bien ou en mal, tellement banal et bête que je ne sais s’il y a mauvaise intention. Au reste, j’ai lu l’article fort légèrement. Je le reverrai. Ils ont fait, cependant, une bonne citation.

La vue d’un journal maintenant, et de celui-là entre autres, me cause presque un dégoût physique. Je m’y réabonne encore pour un an parce qu’ils ont augmenté leur prix et pour n’avoir pas l’air de… Mais je jure bien, par le Styx, que c’est la dernière fois.

La dernière fois que j’étais venu de Honfleur à Rouen par bateau, c’était en 47, en revenant de Bretagne avec Maxime. Nous avions couché aussi à Honfleur. Il faisait un temps pareil, pluie et froid. Sur le vapeur il y avait deux musiciennes qui