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CORRESPONDANCE

Et toi, tu m’envoies pour réponse une espèce de fulmination en quatre pages, comme si j’adorais ce monsieur, que je le choyasse, etc., et t’abandonnasse pour lui ! Tu conviendras que c’est drôle, bonne Muse, et voilà deux fois que ça se renouvelle ! Que tu es enfant !

Je crois que ce que nous avons de mieux à faire, c’est de clore ce chapitre irrévocablement, et à l’avenir de n’en parler ni l’un ni l’autre ; je le souhaite du moins. Du reste, sois tranquille, je suis peu disposé à poursuivre cette connaissance ; je la laisserai tomber dans l’eau. Mais quant à faire des grossièretés gratuites à ce malheureux homme, uniquement parce qu’il est laid et qu’il manque de bonnes façons, non, ce serait d’une goujaterie imbécile. Seulement, on peut faire des retraites honorables, et c’est ce que je ferai. Cela dit, concluons la paix par un baiser, et songeons plutôt que dans quinze jours nous serons ensemble. J’attends demain matin une lettre de toi. J’ai hésité à remettre la mienne à demain soir pour y répondre, car, remarques-tu, chère Muse, que nous ne nous répondons guère ? Mais j’ai pensé qu’il y avait longtemps que je ne t’avais écrit, et que tu ne serais pas fâchée d’avoir la mienne un jour plus tôt. Je te juge d’après moi : cela me fait de bons réveils quand je reçois tes lettres.

Tu auras appris par les journaux, sans doute, la soignée grêle qui est tombée sur Rouen et alentours samedi dernier. Désastre général, récoltes manquées, tous les carreaux des bourgeois cassés ; il y en a ici pour une centaine de francs au moins, et les vitriers de Rouen ont de suite profité de l’occasion (on se les arrache, les vitriers) pour hausser