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DE GUSTAVE FLAUBERT.

Personne n’a étudié tout cela et les médecins sont des imbéciles d’une espèce, comme les philosophes le sont d’une autre. Les matérialistes et les spiritualistes empêchent également de connaître la matière et l’esprit, parce qu’ils scindent l’un de l’autre. Les uns font de l’homme un ange et les autres un porc. Mais avant d’en arriver à ces sciences-là (qui seront des sciences), avant d’étudier bien l’homme, n’y a-t-il pas à étudier ses produits, à connaître les effets pour remonter à la cause ? Qui est-ce qui a, jusqu’à présent, fait de l’histoire en naturaliste ? A-t-on classé les instincts de l’humanité et vu comment, sous telle latitude, ils se sont développés et doivent se développer ? Qui est-ce qui a établi scientifiquement comment, pour tel besoin de l’esprit, telle forme doit apparaître, et suivi cette forme partout, dans les divers règnes humains ? Qui est-ce qui a généralisé les religions ? Geoffroy Saint-Hilaire a dit : le crâne est une vertèbre aplatie. Qui est-ce qui a prouvé, par exemple, que la religion est une philosophie devenue art, et que la cervelle qui bat dedans, à savoir la superstition, le sentiment religieux en soi, est de même matière partout, malgré ses différences extérieures, correspond aux mêmes besoins, répond aux mêmes fibres, meurt par les mêmes accidents, etc. ? Si bien qu’un Cuvier de la Pensée n’aurait qu’à retrouver plus tard un vers ou une paire de bottes pour reconstituer toute une société et que, les lois en étant données, on pourrait prédire à jour fixe, à heure fixe, comme on fait pour les planètes, le retour des mêmes apparitions. Et l’on dirait : nous aurons dans cent ans un Shakespeare, dans vingt-cinq ans telle architecture. Pour-