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DE GUSTAVE FLAUBERT.

Comme l’article de Pelletan est bête ! J’en ai été (ceci n’est pas une façon de parler) plus indigné que de celui d’Énault. Que nos ennemis disent du mal de nous, c’est leur métier ; mais que les amis en disent du bien sottement, c’est pis. Il avait à faire un article sur un poème et c’est de cela d’abord qu’il s’inquiète le moins. Il se prélasse à faire des phrases, prend toute la place pour lui, copie deux passages, bavache un éloge et signe. Ô critiques ! éternelle médiocrité qui vit sur le génie pour le dénigrer ou pour l’exploiter ! race de hannetons qui déchiquetez les belles feuilles de l’Art ! Si l’Empereur demain supprimait l’imprimerie, je ferais un voyage à Paris sur les genoux et j’irais lui baiser le cul en signe de reconnaissance, tant je suis las de la typographie et de l’abus qu’on en fait. Échignez-vous donc à faire un paysage ; mettez « cette hirondelle qui vient battre de son vol le front de Jeanneton mourante, etc. » Tout cela, traduit et vanté par un ami, s’appellera « la Parque implacable » ; la Parque pour dire la mort ! Et c’est un gaillard du progrès qui s’exprime ainsi, un citoyen qui dénigre l’antiquité ! Comme c’est peu senti, cet article ! Pas un mot de l’Art, de la forme en soi, des procédés d’effet. Quelle sacrée canaille ! J’écume ! Tous ces gens forts (voilà encore un mot : homme fort !), ces farceurs à idées donnent bien leur mesure lorsqu’ils se trouvent en face de quelque chose de sain, de robuste, de net, d’humain. Ils battent la campagne et ne trouvent rien à dire. Ah ! ce sont bien là les hommes de la poésie de Lamartine en littérature et du gouvernement provisoire en politique : phraseurs, poseurs, avaleurs de clair de lune, aussi incapables