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CORRESPONDANCE

jusqu’à maintenant, de recopier soixante-dix-sept pages de suite qui n’en font plus que cinquante-trois. C’est abrutissant. J’ai mon rameau de vertèbres au cou, comme remarquerait M. Énault, brisé d’avoir eu la tête penchée longtemps. Que de répétitions de mots je viens de surprendre ! Que de tout, de mais, de car, de cependant ! Voilà ce que la prose a de diabolique, c’est qu’elle n’est jamais finie. J’ai pourtant de bonnes pages, et je crois que l’ensemble roule, mais je doute que je sois prêt pour dimanche à lire tout cela à Bouilhet. Ainsi, depuis la fin de février, j’ai écrit cinquante-trois pages ! Quel charmant métier ! Quelle crème fouettée à battre, qui vaut des marbres à rouler !

Je suis bien fatigué. J’ai pourtant bien des choses à te dire. J’ai écrit quatre lignes tout à l’heure à Du Camp : non pour toi, c’eût été une raison qu’il y mît plus de malveillance ; je connais l’homme. Voici pourquoi je lui ai écrit : j’ai reçu aujourd’hui la dernière livraison de ses photographies, dont jamais je ne lui avais parlé[1] ; le billet que je lui envoie est pour le remercier. C’est tout, je ne lui dis pas plus. Si vendredi, dans l’article du Philosophe, il y a ton nom accompagné d’injures ou d’allusions, je ferai ce que tu voudras. Mais quant à moi, je me propose de rompre net et dans une belle lettre motivée. Je t’engage parfaitement à faire venir ton beau-frère, etc… Mais enfin, ne nous tourmentons pas, puisque la chose n’aura sans doute pas lieu. C’est l’avis de Bouilhet. Mon billet d’aujourd’hui est en prévision de l’hy-

  1. Dessins photographiques recueillis au cours de son voyage en Égypte, Nubie, Palestine, Syrie, de 1849 à 1851, publiés avec texte explicatif, en 1 vol, in-fol. chez Gide et Baudry.