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CORRESPONDANCE

399. À LOUISE COLET.

Entièrement inédite.

12 juin 1853, dimanche soir, 1 heure.

Deux mots seulement, quoiqu’il soit bien tard et que je sois bien fatigué. Je t’écrirai demain ou après-demain soir. J’ai dévoré ton énorme paquet de ce matin et, si je t’eusse eue là, je t’eusse aussi, toi-même, dévorée de caresses. Qui m’expliquera pourquoi cette lettre m’a causé au cœur une sorte de priapisme sentimental ?

L’exhibition de la plus luxueuse nudité ne procure pas à la chair plus d’attirement que le récit de tout cela n’en a fait à ma pensée.

J’ai senti ce matin que je t’aimais plus pour toutes ces misères. Quel dommage que je n’aie pas été à Paris ! Je te l’aurais mené ton monsieur Lacroix[1]. Il faut que Delisle le bâtonne, et rien de plus. Toutes ces punaises-là doivent être écrasées du pied et non de la main. J’espère bien, à quelque jour, me donner ce plaisir, quand je les rencontrerai sur mon chemin.

Bouilhet a été presque malade, cet après-midi, de la tristesse, du découragement, du dégoût que ce récit lui a causé.

Comme Ferrat[2] y est beau ! et le Capitaine toujours gentilhomme ! Mais vous êtes en bon

  1. Probablement l’éditeur Lacroix.
  2. Hippolyte Ferrat, statuaire, exécuta le médaillon de la fille de Louise Colet, qui lui dédia une de ses poésies.