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DE GUSTAVE FLAUBERT.

toi, opère par les mêmes procédés, et tu produis des navets et des oranges avec la même naïveté.

Quand tu voudras, lorsque nous nous reverrons, nous examinerons cette pièce, qui est d’un sentiment large et qu’on peut rendre belle.

Pour ton forçat, puisque tu n’y peux rien, il n’y a rien à répondre.

Quant au sieur Pascal Augé, auteur du type du jour, il m’a l’air bon. Je peux, ces vacances, si je vais à Trouville, prendre des informations sur lui, si ça t’amuse et si j’y pense.

La semaine a été mauvaise ; je suis d’un sombre funèbre, harassé, ennuyé. Ces corrections, que j’ai enfin faites, mais mal faites, m’embêtent. Il n’y a rien de pis pour moi que de corriger. J’écris si lentement que tout se tient et, quand je dérange un mot, il faut quelquefois détraquer plusieurs pages. Les répétitions sont un cauchemar et puis tout ce qui me reste encore à faire m’épouvante, quand je songe que j’en ai encore pour des mois ! Comme c’est long, c’est long !

Pour en être arrivé au point où je croyais être lors de notre dernière entrevue, il me faut encore un bon mois. Juge du reste !

Bouilhet va bien, lui. Ses Fossiles[1] seront une grande chose. Il est en progrès évident. Jamais il n’a été si crâne de forme, ni si élevé d’idées. Mais moi je ne suis pas brillant. Ce sujet bourgeois m’abrutit. Je me sens de mon Homais. Ce sera un joli tour de force, je le sais, mais j’ai peur quelquefois de m’y casser les reins, ou, du moins, il me semble qu’ils faiblissent.

  1. Poème de Louis Bouilhet, dans Festons et Astragales.