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CORRESPONDANCE

Bouilhet m’a aussi apporté les vers de l’Anglaise, un autre volume du sieur Baillet, et les autographes que tu lui as envoyés. Tout cela est monstrueusement pitoyable. C’est plus que médiocre, ta jeune Anglaise ! Quel vide ! et quelle pose ! ces épigraphes en hébreu ! en grec ! et quels vers plats et avec de faux chics de Casimir Delavigne ! Vois comme tout ce qu’il y a de médiocre en littérature par les deux bouts, soit le canaille ou bien le vide, se tourne invariablement vers Béranger ou Lamartine. Dieu ! comme je suis dégoûté des poètes ouvriers ! et des ouvriers ! Dans la lettre de ce bon Baillet, il s’emporte justement contre la seule chose qui rachète l’ouvrier et le colore, le cynisme, et il est malgré cela content d’être ouvrier ! Quel amour de la crasse pour la crasse !

Reçois mes compliments pour la manière dont tu as reçu le sieur Villemain. Tu t’es bien conduite. Il n’y avait que cela à dire. Et sois sûre que tu l’as humilié de toutes façons. C’est ce qu’il fallait faire. Il y a une chose qui m’a semblé très farce dans tout ce qu’il t’a dit, à savoir, l’aveu qu’il travaillait pour la postérité (il est temps qu’il s’y prenne). Ah ! la postérité n’est pas faite pour ceux qui ont été ministres, grands maîtres de l’Université, pairs de France, députés, professeurs, etc., etc. La postérité ! Ce pauvre vieux ! Est-ce son Cours de littérature ? son Lascaris ? ses Portraits ? ses Discours ? Mais lis-en donc, du Villemain. Ses plus belles pages (!) ne dépassent pas la portée d’un article de journal, et à part une certaine correction grammaticale (et qui n’a rien à démêler avec la vraie correction esthétique), la forme est complètement