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DE GUSTAVE FLAUBERT.

lui que nous devons remercier de l’Empire : homme qui va aux médiocres et qui les aime. Bouilhet lui avait envoyé Melaenis à peu près en même temps qu’un de ses élèves, à lui Bouilhet, lui avait adressé une pièce de vers détestable, stupide (pleine de fautes de prosodie), mais à la louange du susdit grand homme, lequel a répondu au moutard une lettre splendide, tandis qu’à Bouilhet pas un mot. Tu vois pour ton numéro ce qu’il a fait ! Et puis, un homme qui compare Fénelon à Homère, qui n’aime pas les vers de La Fontaine, est jugé comme littérateur. Il ne restera pas de Lamartine de quoi faire un demi-volume de pièces détachées. C’est un esprit eunuque, la couille lui manque, il n’a jamais pissé que de l’eau claire.

Dans mon contentement du volume de Leconte, j’ai hésité à lui écrire. Cela fait tant de bien de trouver quelqu’un qui aime l’art et pour l’art ! Mais je me suis dit : à quoi bon ? On est toujours dupe de tous ces bons mouvements-là. Et puis je ne partage pas entièrement ses idées théoriques, bien que ce soient les miennes, mais exagérées. C’est comme pour le père Hugo, j’ai hésité à lui écrire, à propos de rien, par besoin. Il me semble très beau là-bas. Il m’avait mis son adresse au bout de son petit mot. Était-ce une manière de dire : « écrivez-moi, ça me flattera » ? Mais cela m’attirerait tant de style pompeux en remerciement que tu me feras seulement le plaisir dans ta lettre de lui dire que je suis tout à son service, etc., qu’il envoie ses lettres à Londres. Je ne suis pas sûr si elle venait de D***. J’ai perdu l’enveloppe, mais je le crois.