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DE GUSTAVE FLAUBERT.

endroit. Il me semble que j’avais encore cent mille choses à te dire ; je cherche et ne trouve plus rien. Ah ! tes Fantômes que tu me redemandes ; ils sont probablement sur ma table ou dans le tiroir à côté où je mets tes lettres, mais ça me demanderait pas mal de temps à chercher. Si tu ne les as pas, je suis pourtant sûr de les retrouver, ne brûlant jamais rien.

Adieu, mille bons baisers.

À toi, et encore à toi : Ton G.


379. À LOUISE COLET.
[Croisset, jeudi 4 heures et demie, 31 mars 1853.]

J’arrive de Rouen où j’avais été pour me faire arracher une dent (qui n’est pas arrachée). Mon dentiste m’a engagé à attendre. Je crois néanmoins que d’ici à peu de jours il faudra me dés-orner d’un de mes dominos. Je vieillis, voilà les dents qui s’en vont, et les cheveux qui bientôt seront en allés. Enfin ! pourvu que la cervelle reste, c’est le principal. Comme le néant nous envahit ! À peine nés, la pourriture commence sur vous, de sorte que toute la vie n’est qu’un long combat qu’elle nous livre, et toujours de plus en plus triomphant de sa part jusqu’à la conclusion, la mort. Là, elle règne exclusive. Je n’ai eu que deux ou trois années où j’ai été entier (de dix-sept à dix-neuf ans environ). J’étais splendide, je peux le dire maintenant, et assez pour attirer les yeux d’une salle de spectacle entière, comme cela m’est arrivé à Rouen, à la première représentation de Ruy Blas. Mais depuis, je me