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CORRESPONDANCE

faire de la polémique. Dans la préface du R[onsard] je dirai l’histoire du sentiment poétique en France, avec l’exposé de ce que l’on entend par là dans notre pays, la mesure qu’il lui en faut, la petite monnaie dont il a besoin. On n’a nulle imagination en France. Si l’on veut faire passer la poésie, il faut être assez habile pour la déguiser. Puis dans la préface du livre de B[ouilhet] je reprendrais cette idée, ou plutôt je la continuerais et je montrerais comment un poème épique est encore possible, si l’on veut se débarrasser de toute intention d’en faire un. Le tout terminé par quelques considérations sur ce que peut être la littérature de l’avenir.

La Bovary ne va pas raide : en une semaine deux pages !!! Il y a de quoi, quelquefois, se casser la gueule de découragement ! si l’on peut s’exprimer ainsi. Ah ! j’y arriverai, j’y arriverai, mais ce sera dur. Ce que sera le livre, je n’en sais rien ; mais je réponds qu’il sera écrit, à moins que je ne sois complètement dans l’erreur, ce qui se peut.

Ma torture à écrire certaines parties vient du fond (comme toujours). C’est quelquefois si subtil que j’ai du mal moi-même à me comprendre. Mais ce sont ces idées-là qu’il faut rendre, à cause de cela même, plus nettes. Et puis, dire à la fois proprement et simplement des choses vulgaires ! c’est atroce.

Médite bien le plan de ton drame ; tout est là, dans la conception. Si le plan est bon, je te réponds du reste, car pour les vers, je te rendrai l’existence tellement insupportable qu’ils seront bons, ou finiront par l’être, et tous encore.

J’ai lu ce matin quelques fragments de la co-