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DE GUSTAVE FLAUBERT.

tés, canailleries et autres menus suffrages comme dirait Rabelais.

Et les vers de Poncy[1] ! Qu’en dirons-nous ? Est-ce suffisamment lourd ? Quelle invention que celle des poètes ouvriers ! Et quels cocos sans muscles que tous ces bons garçons-là, avec leurs mains sales !

Quant au Livre posthume, la fin répond au commencement. J’ai admiré comme toi la Croix, Porcia, le couvre-pied, etc. Il a fourré là jusqu’à un rêve qu’il a fait en voyage et que je l’ai vu écrire ; il n’en a pas changé trois phrases. Pour lui, ce bon Maxime, je suis maintenant incapable à son endroit d’un sentiment quelconque. La partie de mon cœur où il était est tombée sous une gangrène lente, et il n’en reste plus rien. Bons ou mauvais procédés, louanges ou calomnies, tout m’est égal et il n’y a pas là dédain. Ce n’est point une affaire d’orgueil, mais j’éprouve une impossibilité radicale de sentir à cause de lui, pour lui, quoi que ce soit, amitié, haine, estime ou colère. Il est parti comme un mort et sans même me laisser un regret. Dieu l’a voulu ! Dieu soit béni ! La douceur que j’ai éprouvée dans cette affection (et que je me rappelle avec charme) atténue sans doute l’humiliation où je pourrais être de l’avoir eue. Une chose m’a fait sourire dans sa phrase de « la large épaule ». Il aurait pu choisir une comparaison plus heureuse. C’est sur cette épaule pourtant qu’à la mort de sa grand’mère je l’ai porté, comme un enfant, lorsque, l’arrachant de son cadavre où il pleurait, criait, appelait les anges,

  1. Poète, ouvrier maçon.