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CORRESPONDANCE

reçu. » Je serais étonné, au ton de son billet, si lui avait écrit. Nous viderons cette affaire-là définitivement dimanche.

Tantôt j’ai fait un peu de grec et de latin, mais pas raide. Je vais reprendre, pour mes lectures du soir, les Morales de Plutarque. C’est une mine d’érudition et de pensées intarissable. Comme l’on serait savant, si l’on connaissait bien seulement cinq à six livres !

J’avais depuis quelque temps, sur ma table de nuit, Gil Blas ; je le quitte. C’est léger en somme (comme psychologie et poésie, j’entends). Après Rabelais d’ailleurs, tout semble maigre. Et puis c’est un coin de la vérité, rien qu’un coin. Mais comme c’est fait ! N’importe, j’aime les viandes plus juteuses, les eaux plus profondes, les styles où l’on en a plein la bouche, les pensées où l’on s’égare.

Adieu, je n’ai rien à te dire ; je n’ai pas l’énergie de t’écrire. Avant de reprendre mon travail, j’éprouve toujours ainsi des hébétements de tristesse. Ton souvenir vient par dessus et m’achève. Je sais que cela passera, c’est ce qui me console. Il faut donner quelque peu à la faiblesse humaine et lâcher la bride à la mélancolie ; c’est le moyen qu’elle soit plus calme.

Adieu encore, mille baisers partout. Ma prochaine sera plus longue ; et toi, écris-moi de longues lettres.

À toi, à toi. Ton G.