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DE GUSTAVE FLAUBERT.

Quelles bonnes journées j’ai passées jeudi et vendredi ! Jeudi soir, à deux heures du matin, je me suis couché si animé de mon travail qu’à trois heures je me suis relevé et j’ai travaillé jusqu’à midi. Le soir je me suis couché à une heure, et encore par raison. J’avais une rage de style au ventre à me faire aller ainsi le double de temps encore. Le vendredi matin, quand le jour a paru, j’ai été faire un tour de jardin. Il avait plu, les oiseaux commençaient à chanter et de grands nuages ardoise couraient dans le ciel. J’ai joui là de quelques instants de force et de sérénité immense dont on garde le souvenir et qui font passer par-dessus bien des misères. J’éprouve encore l’arrière goût de ces trente-six heures olympiennes et j’en suis resté gai, comme d’un bonheur.

Ma première partie est à peu près faite.

J’éprouve un grand sentiment de débarras.

Jamais je n’ai écrit quelque chose avec tant de soin que ces vingt dernières pages.

Au milieu de la semaine qui suivra la prochaine, c’est-à-dire vers le 4 ou le 5 août, de mardi ou de mercredi en quinze, je compte donc aller te voir. Je t’apporterai 500 francs ; ce sera avant l’époque de ton billet.

Musset s’est conduit en homme d’esprit. Retiens cela et rappelle-toi cette appréciation de sa conduite présente pour plus tard. Voilà tout ce que j’en peux dire.

Quant à moi, tu finis par me donner une figure ridicule d’anthropophage, que je renie. Mais mes sentiments là-dessus ne sont pas comme les tiens, si variables. Je n’ai vu que l’action et non la réac-