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DE GUSTAVE FLAUBERT.

ter », etc. Voilà des axiomes de cette école ; cela vous mène à tout comme morale et à rien comme produit artistique. Musset aura été un charmant jeune homme et puis un vieillard ; mais rien de planté, de rassis, de carré, de serein dans son talent ni sa personne (comme existence j’entends). C’est que, hélas ! le vice n’est pas plus fécondant que la vertu. Il ne faut être ni l’un ni l’autre, ni vicieux, ni vertueux, mais au-dessus de tout cela. Ce que j’ai trouvé de plus sot et que l’ivresse même n’excuse pas, c’est la fureur à propos de la croix. C’est de la stupidité lyrique en action, et puis c’est tellement voulu et si peu senti. Je crois bien qu’il a peu écouté Melaenis. Ne vois-tu donc pas qu’il a été jaloux de cet étranger (Bouilhet) que tu te mettais à lui vanter après l’avoir repoussé (lui, Musset) ? Il a saisi le premier prétexte pour rompre là les chiens.

Il eût été plus fort de ta part de souscrire à sa condition et puis, le soir de la lecture, de lui répondre par ses maximes « qu’il faut qu’une femme mente », et de lui dire « mon cher monsieur, allez à d’autres, je vous ai joué ». S’il a envie de toi il lira ton poème ; mais c’est un pauvre homme pour taire l’aveu que les petits journaux l’empêchent de tenir sa parole. Sa lettre d’excuse achève tout, car il ne promet encore rien ; ce n’est pas franc. Ah mon Dieu ! mon Dieu ! quel monde !

Voilà plusieurs fois que je t’écris et que je ne pense pas à te parler de l’article de Melaenis. Si tu crois que monsieur Nefzer fera l’article, ça vaudrait mieux. Tâche de le savoir. Si non, nous rarrangerons un peu le tien et le reverrons.

Je n’aime pas tes corrections aux Résidences