Page:Flaubert Édition Conard Correspondance 2.djvu/452

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
446
CORRESPONDANCE

mène une vie neutralisante. Je lui ai répondu strictement et serré sur ce chapitre. Je crois qu’il n’y reviendra plus et qu’il ne montrera ma lettre à personne. Je m’y suis tenu dans le sujet, mais je l’emplis. Ma lettre a quatre pages ; en voici un paragraphe que je copie et qui te donnera une idée du ton : « C’est là qu’est le souffle de la vie, me dis-tu. Je trouve qu’il sent l’odeur des dents gâtées, ton souffle de vie. Il s’exhale pour moi, de ce Parnasse où tu m’invites, plus de miasmes à faire vomir que de vertiges. Les lauriers qu’on s’y arrache sont un peu couverts de merde, convenons-en.

« Et à ce propos, je suis fâché de voir un homme d’esprit renchérir sur la marquise d’Escarbagnas, laquelle croyait que « hors Paris, il n’y avait point de salut pour les honnêtes gens ». Ce jugement me paraît être lui-même provincial, c’est-à-dire borné. L’humanité est partout, mon cher monsieur, mais la blague plus à Paris qu’ailleurs, j’en conviens », etc.

Ton long récit de la visite de Musset m’a fait une étrange impression. En somme, c’est un malheureux garçon. On ne vit pas sans religion. Ces gens-là n’en ont aucune, pas de boussole, pas de but. On flotte au jour le jour, tiraillé par toutes les passions et les vanités de la rue. Je trouve l’origine de cette décadence dans la manie commune qu’il avait de prendre le sentiment pour la poésie.

Le mélodrame est bon où Margot a pleuré.


ce qui est un très joli vers en soi, mais d’une poétique commode. « Il suffit de souffrir pour chan-