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CORRESPONDANCE

l’augmenter. Si je n’en ai aucune, c’est au moins quelque chose que cet entêtement. Mais j’éprouve, en revanche, de belles lassitudes, de fiers ennuis, et des saouleurs de moi, à me vomir moi-même si je pouvais.

Ça me fera bien de te voir, de m’appuyer la tête sur ton pauvre cœur plein de moi, de causer en regardant tes yeux.

Adieu, chère amour, à bientôt, un long baiser sur tes lèvres.

À toi.

323. À LOUISE COLET.
[Croisset, 30 mai 1852.]

Il faut se méfier des meilleures affections, telle est la morale que je tire de ta lettre. Si le discours[1] de Musset qui m’horripile t’a paru charmant et que tu trouves également charmant ce que j’ai pu faire ou ferai, qu’en conclure ?

Mais où se réfugier, mon Dieu ! Où trouver un homme ? Fierté de soi, conviction de son œuvre, admiration du Beau, tout est donc perdu ? La fange universelle où l’on nage jusqu’à la bouche emplit donc toutes les poitrines ? À l’avenir, et je t’en supplie, ne me parle plus de ce que l’on fait dans le monde, ne m’envoie aucune nouvelle, dispense-moi de tout article, journal, etc. Je peux fort bien me passer de Paris et de tout ce qui s’y brasse. Ces choses me rendent malade ; elles me feraient deve-

  1. Prononcé à l’Académie Française, le 27 mai, en y prenant séance, succédant à M. Dupaty, vaudevilliste.