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DE GUSTAVE FLAUBERT.

roman m’ennuie ; je suis stérile comme un caillou. Cette première partie qui devait être finie d’abord à la fin de février, puis en avril, puis en mai, ira jusqu’à la fin de juillet. À chaque pas je découvre dix obstacles. Le commencement de la deuxième partie m’inquiète beaucoup. Je me donne un mal de chien pour des misères ; les phrases les plus simples me torturent. Je ne veux pas aller à Paris (n’aie pas peur) avant d’être quitte de cette première partie. Mais comme je t’ai promis de te voir à la fin de ce mois et que, d’autre part, j’en ai bien besoin aussi, moi, voici ce que je te propose : un des jours de la fin de la semaine prochaine, vers le 3 ou le 4 juin, je t’écrirai pour te donner rendez-vous à Mantes, si tu veux, dans notre ancien hôtel, et nous y passerons 24 heures seuls, loin de tous. Une bonne journée à deux vaudra bien cinq ou six visites que je te ferai à Paris, chez toi et avec de l’entourage, et ne me coupera pas mon travail comme un arrêt d’une semaine, à un moment où j’ai besoin de ne pas perdre le fil de mes pensées. Dis-moi si ce plan te sourit.

Moi aussi je passerai plus tard par des journées comme tu en as eu une hier. Quand j’aurai fini ma Bovary et mon conte égyptien (dans deux ans), j’ai deux ou trois idées de théâtre que je mettrai à exécution, mais bien décidé d’avance à ne faire aucune concession, à n’être jamais joué ou sifflé.

Si j’arrive jamais à une position, comme on dit, ce sera à travers tout, et malgré toute considération de réussite. Je serai écrasé ou j’écraserai. Si j’ai en moi quelque valeur, ce parti pris (que je n’ai jamais pris mais qui est venu de lui-même) doit