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DE GUSTAVE FLAUBERT.

C’est quelque chose. Quoique je n’accepte pas tout ce que tu m’en dis, je pense que les amis n’ont pas voulu voir tout ce qu’il y avait là. Ç’a été légèrement jugé ; je ne dis pas injustement, mais légèrement. Quant à la correction que tu m’indiques, nous en causerons ; c’est énorme. Je rentre avec grand dégoût dans un cercle d’idées que j’ai abandonné, et c’est ce qu’il faut faire pour corriger dans le ton des autres parties circonvoisines.

J’aurai bien du mal à refaire mon Saint. Je devrai m’absorber bien longtemps pour pouvoir inventer quelque chose. Je ne dis point que je n’essayerai pas, mais ce ne sera pas de sitôt.

Je suis dans un tout autre monde maintenant, celui de l’observation attentive des détails les plus plats. J’ai le regard penché sur les mousses de moisissure de l’âme. Il y a loin de là aux flamboiements mythologiques et théologiques de Saint Antoine. Et, de même que le sujet est différent, j’écris dans un tout autre procédé. Je veux qu’il n’y ait pas dans mon livre un seul mouvement, ni une seule réflexion de l’auteur.

Je crois que ce sera moins élevé que Saint Antoine comme idées (chose dont je fais peu de cas), mais ce sera peut-être plus raide et plus rare, sans qu’il y paraisse. Du reste, ne causons plus de Saint Antoine. Ça me trouble, ça m’y fait resonger et perdre un temps inutile. Si la chose est bonne, tant mieux ; si mauvaise, tant pis. Dans le premier cas, qu’importe le moment de sa publication ? Dans le second, puisqu’elle doit périr, à quoi bon ?

J’ai un peu mieux travaillé cette semaine. J’irai à Paris d’ici à un mois ou cinq semaines, car je vois